Camille Valentin est une artiste d’origine française qui ne se met aucune limite pendant le processus de création. A travers son approche artistique conceptuelle, elle nous offre différents points de vue sur les cultures et croyances des peuples qui ont leurs propres manières de percevoir le monde et la vie. Éclaircissant ainsi l’interprétation même d’une conscience de masse en société, à voir même l’inconscience collective d’une nation.
Dans sa ville de moule, elle fait la construction d’une ville utilisant les moules usées de l’atelier de céramique. Ces moules représentent ainsi les bâtiments stéréotypés de la ville d’Antalya. Sorties d’un même moule, ces constructions sont presque identiques les unes par rapport aux autres. Chaque bâtiment présenté en tant que moule nous dessine sa propre dépendance de la valeur d’échange qui est imposée par des relations commerciales. Elle nous montre ainsi la valeur intrinsèque du moule qui imprime traditions et coutumes. Celles là, s’imprimant à la vie, s’imposent à l’homme à travers une inconscience collective, formant une mentalité de clan.
Dans cette construction, l’artiste observe les rapports du vide et du plein des moules qui correspondent à un ensemble, ou plutôt à une forme de vie inconsciente. Elle tente de réanimer une harmonie qui a sa propre démarche indépendante.
La population forme son propre moule qui s’identifie à une tombe. Ce qu’il y a de choquant dans cette démarche, ce qu’elle la creuse volontairement, sans subir la contrainte d’autres choses. Elle crée ses propres traditions, se les approprie comme des limites ou barreaux l’empêchant de s’émanciper. Ainsi on se trouve dans des logiques d’appropriation. La propriété identitaire du peuple devient son cercueil (maison). Laquelle est construite dans un espace pensif dont l’habitant est marginalisé par un système artificiellement fabriqué et conçu comme un outil de communication. La maison devient l’expression automatique de l’existence.
L’idée de la société moulée est exprimée comme la fabrication d’une série en grand nombre, la production de masse qui réduit l’homme à un produit de consommation. Il s’asservit en s’autolimitant. Cette autolimitation est imposée par l’inconscience collective et trouve ses sources dans les passages d’une trans-individualisation.
L’homme se fabrique lui-même comme objet de consommation involontairement. Il s’autolimite inconsciemment. La société dans laquelle il habite ressemble à un cimetière car elle est morte culturellement. Le moule en soi, malgré même le fait qu’il est artificiel, devient naturel par et à travers l’appropriation car il devient le propre de l’homme. Il se fait naturaliser et sert de prétexte à ce qu’on appelle la culture. Le moule tue la créativité car c’est une reproduction. Il tue ainsi l’esprit critique et créatif qui constitue les bases de l’humanité.
Camille Valentin nous relève le fait qu’on vit dans un espace qui n’est pas fait de matière mais bien de faits, donc de pensées. Cet espace pensif est l’ensemble d’une conscience globale qui se propage dans des relations trans-individuelles. Ainsi on se retrouve face à une vérité ; comme quoi notre manière de penser la vie et le monde est prémoulée.
Prenons exemple sur l’allégorie de la caverne de Platon ; chaque personne prise au piège d’un moule, base ses croyances sur l’ombre des choses qui se reflètent aux murs de la caverne. Les prenant pour la vérité, ces personnes sont attachées par des chaines qui les empêchent de bouger et pratiquer l’acte de conversion (la diversion ou la transformation qui permettrait de voir la lumière et vérité). Dans cet exemple ci, on peut associer les chaines à une inconscience collective et les ombres, aux moules (traditions). La ville est un cimetière composé des pierres tombales portant le nom « identité » léguée avec fierté aux futures générations. Sur ce point, Camille Valentin nous montre une autre dimension de l’acte de conversion ; L’art est une pratique qui permet l’introspection dans une société moulée. Ainsi on casse le moule pour voir les faits et se soustraire aux traditions automatiques.
À travers cette approche, l’auteure révèle comment l’individu participe à la construction de cette inconscience collective qui s’impose à lui. Formant alors un cercle vicieux.
Voyant cela, on découvre une autre dimension de l’existence, qui est l’esclavagisme. Esclave de la stéréotypisation, de la dégénération, de la répétition et dévalorisation. L’humanité entière construit sa propre piscine au milieu de l’océan, fabrique son jardin dans une jungle infinie.
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